Une brève introduction au breton
- Oatmilk
- 9 août
- 6 min de lecture
Par Oatmilk
Traduit par Sasa
Il y a quelques semaines, j'ai été pris de nostalgie et ai regardé quelques vidéos sur la région de France d’où je viens, la Bretagne. Cela m’a rappelé la langue que peu d’entre nous dans cette région parlent encore, le breton. J’ai rapidement ressenti un profond sentiment de culpabilité de ne pas savoir parler cette langue, comme c’est souvent le cas quand j’entends des gens en parler. D’autant plus que, en réfléchissant à la tendance du gouvernement français à effacer les cultures et les langues, j’ai réalisé que l’apprentissage du breton serait en quelque sorte un acte révolutionnaire, et ça, ça me plaît. Alors, malgré le fait que je sois dans mon dernier semestre de master et que j’ai une thèse à rédiger, j’ai décidé de me mettre sérieusement à l’apprentissage de cette langue. J’ai dépoussiéré le manuel de breton que j’avais acheté il y a quelques années et je me suis assis pour l’apprendre réellement. Jusqu’à présent, l’expérience a été à la fois très émouvante mais aussi très amusante pour plusieurs raisons : je peux comprendre les noms des lieux où j’ai grandi et que j’ai visités, j’ai appris ce que signifiaient les mots que j’ai toujours entendus autour de moi en grandissant, mais surtout, je réalise à quel point cette langue est vraiment cool. Et j’espère que si davantage de gens entendent parler de cette langue et voient à quel point elle est intéressante, ils auront aussi envie de l’apprendre.
Alphabet et phonologie du breton
Le breton n’a rien à voir avec le français. C’est une langue celtique plus proche des langues parlées au Royaume-Uni comme le cornique et le gallois. Elle est actuellement considérée comme une langue en danger, avec seulement environ 200 000 locuteurs restants.
La première chose qui frappe lorsqu’on commence à l’apprendre, c’est l’alphabet. Il est très similaire à celui de l’anglais ou du français, à l’exception des lettres C, Q et X. À la place, on peut voir des CH et C’H, qui sont considérées comme des lettres à part entière. Sa phonologie est également intéressante, avec de nombreuses voyelles nasales comme [ã], [ẽ], [ɛ̃], [õ], [ĩ] [ɔ̃] [ỹ] [œ̃], qui viennent principalement de l’influence française, mais aussi des sons qui n’existent pas en français moderne comme [h], [x] ou [ɣ]. Selon le dialecte, le son « r » peut être soit [r] soit [ʁ], donc si vous détestez le son « r » français, vous pouvez toujours utiliser un r roulé, tout va bien.
Un autre trait atypique de sa phonologie, comme d’autres langues celtiques, est la mutation consonantique. En gros, la première consonne d’un mot peut changer en fonction du mot précédent. En breton, il existe quatre types de mutations, mais plutôt que d’entrer dans des explications détaillées, voici quelques exemples :
Breton | IPA | Français |
Ar ki | [aʁ ki] | Le chien |
Ma c’hi | [ma ɣi] | Mon chien |
An tad | [ã: tat] | Le père |
He zad | [e: zat] | Son père |
Ordre des mots
Passons maintenant à la partie la plus intéressante : la grammaire. La grammaire d’une langue peut être un sujet très vaste, donc je vais simplement introduire des éléments de grammaire bretonne que j’ai rencontrés et que je trouve les plus intéressants.
La première chose frappante quand on commence à apprendre le breton est l’ordre des mots plutôt flexible. En breton, les formes les plus courantes sont Verbe-Sujet-Objet (VSO). Cependant, selon l’élément de la phrase que vous voulez mettre en avant, vous pouvez aussi inverser l’ordre des mots et placer cet élément en premier.
Prenons un exemple avec la phrase : « Soazig lit le journal dans le parc tous les jours », qui peut être traduite de différentes manières selon l’aspect de la phrase que vous voulez souligner :
Breton | Français | Nuance |
Lenn a ra Soazig ar gazeten er park bemdez | Soazig lit le journal dans le parc tous les jours | Soazig lit tous les jours dans le parc, et pas une autre action |
Soazig lenn a ra ar gazeten er park bemdez | Soazig lit le journal dans le parc tous les jours | Soazig lit, et non quelqu’un d’autre |
Ar gazeten lenn a ra Soazig er park bemdez | Soazig lit le journal dans le parc tous les jours | Soazig lit le journal, et non autre chose |
Er park Lenn a ra Soazig ar gazeten bemdez | Soazig lit le journal dans le parc tous les jours | Soazig lit dans le parc, et non ailleurs |
Bemdez lenn a ra Soazig ar gazeten er park | Soazig lit le journal dans le parc tous les jours | Soazig lit tous les jours, et non une fois par semaine |
Conjugaison des verbes
Wow, tant de flexibilité, n’est-ce pas ? Mais ce n’est pas tout. Le breton est également flexible en ce qui concerne la conjugaison de ses verbes. Il y a deux façons de faire : soit vous mentionnez le sujet et vous n’avez pas besoin de conjuguer le verbe, soit vous omettez le sujet et vous conjuguez le verbe à la forme correcte, de cette manière, on sait de qui vous parlez. Bien que normalement vous ne conjuguiez pas le verbe lorsque vous introduisez un nouveau sujet dans la conversation, vous pouvez aussi simplement le mentionner à chaque fois et ne jamais avoir à conjuguer quoi que ce soit !
Vous ne voyez pas ce que je veux dire ? Voici un exemple rapide :
Breton avec sujet | Traduction littérale | Breton sans sujet | Traduction littérale |
Me zo skuizh | Je suis fatigué | Skuizh on | Fatigué suis |
Te zo skuizh | Tu es fatigué | Skuizh out | Fatigué es |
Système numérique
Pour finir cet article, je voulais vous présenter le système numérique breton qui est assez particulier (mais dans le bon sens du terme). Vous avez probablement entendu parler du « quatre-vingt » français (quatre-vingts, c’est-à-dire 4*20) pour le nombre 80 ? Eh bien, cela vient de l’influence celtique, car les langues celtiques comme le breton utilisent une base 20 pour compter, contrairement à notre base 10 habituelle en anglais et dans la plupart des autres langues européennes. Voici à quoi ressemblent les dizaines :
Nombre | Breton | Traduction littérale |
10 | dek | ten (dix) |
20 | ugent | twenty (vingt) |
30 | tregont | three ten (trois dix) |
40 | daou-ugent | two twenty (deux vingt) |
50 | hanter-kant | half hundred (demi-cent) |
60 | tri-ugent | three twenty (trois vingt) |
70 | dek ha tri-ugent | ten and three twenty (dix et trois vingt) |
80 | pevar-ugent | four twenty (quatre vingt) |
90 | dek ha pevar-ugent | ten and four twenty (dix et quatre vingt) |
100 | kant | hundred (cent) |
Mention spéciale pour le 18, qui se dit « triwec’h », ce qui signifie 3*6. Les autres nombres entre 10 et 20 sont « normaux », celui-ci a juste décidé d’être différent.
J’espère que vous avez trouvé le breton aussi fascinant que moi et que vous apprendrez à en apprécier ses petites particularités. Je ne m’attends évidemment pas à ce que quelqu’un apprenne la langue juste en lisant cet article, mais j’espère que vous en avez appris un peu plus et je vous invite à sensibiliser davantage votre entourage au breton. Beaucoup d’entre nous en Bretagne se battent pour préserver son riche héritage et tout soutien est le bienvenu. Apprendre et parler breton n’est pas seulement un moyen de se connecter à la culture bretonne, mais c’est aussi un acte de préservation culturelle et de résistance contre l’impérialisme linguistique. Si vous souhaitez en savoir plus ou juste discuter du breton, venez me parler dans le salon #celtic-table dans LC !
À propos de Oatmilk
Français queer de 24 ans vivant aux Pays-Bas depuis quelques années. Actuellement étudiant en master de recherche en sciences sociales et barista à temps partiel tout en étudiant le néerlandais, le breton et le turc à côté. Aime jouer aux jeux vidéo, regarder des films et lire de la philosophie, de la sociologie ou de la science-fiction.
À propos de Sasa
Française et étudiante en biologie. Aime passionnément Stardew Valley et le beurre salé. Toujours prête à aider les apprenants du français, elle a rejoint la communauté Language Cafe à sa création et est responsable de la table française depuis. Devrait perfectionner son anglais plutôt que de simplement regarder des séries. Elle va peut-être se laisser tenter par une autre langue un de ces jours. Elle espère un jour visiter d'autres pays en dehors d’Europe qu’elle a déjà bien exploré.